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Interview du Premier ministre Pashinyan à la chaîne internationale française « France 24 »

Interview du Premier ministre Pashinyan à la chaîne internationale française « France 24 »

EREVAN, 4 OCTOBRE, ARMENPRESS. Le Premier ministre Nikol Pashinyan, a accordé une interview à la chaîne d'information internationale française "France 24" sur la situation dans la zone de conflit du Haut-Karabakh. "Armenpress" présente l'interview dans son intégralité.

"France 24" - Bonjour. Nous sommes au sein du Gouvernement de la République d'Arménie, où le Premier Ministre d'Arménie, Nikol Pashinyan, m'a rejoint. Monsieur le Premier ministre, merci d'être notre invité. Vous êtes arrivé au pouvoir il y a deux ans,  le peuple avait de grands espoirs avec la Révolution de velours. Dans quelle mesure pensez-vous que ces espoirs ont été mis en danger par le déclenchement du conflit du Haut-Karabakh?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Bien sûr, la guerre est une chose très difficile, il n'est pas très facile de parler d'espoir dans une guerre. Mais, vous savez, je compare cette guerre à une attaque terroriste, une attaque terroriste à laquelle, malheureusement, le monde est déjà habitué. Pourquoi est-ce que je considère cette situation comme une attaque terroriste? Pour une raison très simple, l'Azerbaïdjan promeut la haine anti-arménienne depuis de nombreuses années, semant la haine dans sa propre société contre chaque Arménien. Vous pouvez voir beaucoup de ces faits lorsque, par exemple, les personnes portant des noms de famille arméniens qui sont citoyens de Turquie, de Russie et de différents pays ne sont pas autorisées à entrer sur le territoire de l'Azerbaïdjan.

Je peux dire que, par exemple, lors de la finale de la Coupe UEFA l'an dernier, le footballeur arménien Henrikh Mkhitaryan, en fait, a refusé de participer à la finale à cause de cette atmosphère de haine. À ces jourrs, des fans portant des T-shirts Mkhitaryan ont été arrêtés par la police dans les rues de Bakou.

Je veux vous parler d'un autre cas pour rendre l'image complète. En 2004, un officier azéri participant à un séminaire de l'OTAN a tué un officier arménien participant au même séminaire à Budapest. Un tribunal hongrois a condamné l'officier azéri à la prison à vie. Après avoir purgé sa peine en Hongrie pendant un certain temps, l'officier a été extradé vers l'Azerbaïdjan, le président de l'Azerbaïdjan lui a gracié le même jour et une grande fête a eu lieu en Azerbaïdjan à l'occasion de sa libération. Il était, en fait, fait un héros.

            Quelle est notre situation maintenant? Nous avons une situation où des mercenaires et des terroristes recrutés en Syrie par l'Azerbaïdjan combattent contre l'Arménie et le Karabakh.

"France 24" - Vous avez dit que le gouvernement azerbaïdjanais a instillé une atmosphère de haine envers les Arméniens. Que pensez-vous que les Arméniens pensent des Azéris? Que pensez-vous du peuple azerbaïdjanais par rapport au gouvernement azerbaïdjanais?

            Premier ministre Nikol Pashinyan - Je pense que le peuple azerbaïdjanais est captif d'un régime dictatorial, les Arméniens sont toujours un bon ennemi, une image d'un ennemi pour le régime dictatorial d'Aliyev, afin qu'il puisse contourner les problèmes de démocratie, de liberté d'expression et de droits de l'homme dans le pays, faible niveau de vie, manque de liberté d'expression. Regardons la situation actuelle: aujourd'hui, par exemple, les réseaux sociaux en Azerbaïdjan sont sévèrement limités, contrairement à l'Arménie, où les réseaux sociaux sont ouverts.

"France 24" - Pensez-vous que le conflit entre l'Arménie et "l'Azerbaïdjan" peut être réglé tant que l'actuel régime azerbaïdjanais est au pouvoir?

Premier ministre Nikol Pashinyan – Qu’est-ce que  vous entendez par règlement? En fait, ce conflit n'est pas entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ce conflit est entre le Haut-Karabakh et l'Azerbaïdjan. Tout simplement parce que les Arméniens du Haut-Karabakh sont en danger existentiel du fait de ce conflit depuis 1988, l'Arménie, le peuple arménien, doit se tenir derrière le peuple du Haut-Karabakh et ne peut pas être laissé sans défense. C'est toute la vérité.

"France 24" - Je voudrais également poser une question sur l'implication de la Turquie dans ce conflit. Vous critiquez vivement la rhétorique de la Turquie, son soutien à l'Azerbaïdjan. Quelles preuves avez-vous de l'implication directe de la Turquie?

            Premier ministre Nikol Pashinyan - Tout d'abord, cette guerre a commencé à la suite d'un exercice militaire conjoint des troupes turco-azerbaïdjanaises. En août, la Turquie a déplacé des troupes en Azerbaïdjan et a commencé des exercices militaires conjoints.

Second, de hauts responsables militaires turcs sont toujours en Azerbaïdjan, aux postes de commandement des forces armées azerbaïdjanaises, menant le processus. Et, en fait, cela a été reconnu par le ministre turc des Affaires étrangères, qui a écrit sur sa page Twitter que la Turquie est aux côtés de l'Azerbaïdjan à la fois dans la diplomatie et sur le champ de bataille. Bien sûr, on m'a dit qu'il avait supprimé ce message après un certain temps, mais cela ne change pas grand-chose. Si nous regardons les récentes déclarations publiques de responsables turcs au cours des deux derniers mois, cela ne fait aucun doute. Au cours des premiers jours des hostilités, de hauts responsables azerbaïdjanais, en particulier le premier vice-président azerbaïdjanais, ont publiquement remercié la Turquie pour son soutien. En outre, je pense que la communauté internationale n'en doute pas maintenant, car en fait, l'Union européenne et la France ont clairement indiqué la participation de la Turquie aux hostilités, non seulement cela, mais que la Turquie a recruté des mercenaires syriens et les a transférés en Azerbaïdjan pour combattre contre l'Arménie  et le Haut-Karabakh. De plus, je peux dire que nous avons des preuves concrètes que des F-16 turcs étaient impliqués dans des hostilités.

            "France 24"  - Et?

          Premier ministre Nikol Pashinyan - Je vais vous montrer maintenant. Ce sont les enregistrements de nos radars pendant des jours, des mois, des heures sur leur participation aux opérations aériennes des avions F-16 turcs. Ici, vous pouvez voir, les 27 et 28 septembre, comment les avions turcs ont traversé la frontière arménienne, sont entrés dans l'espace aérien et ont d'ailleurs bombardé des villages de Vardenis. Bien entendu, nous présenterons toutes ces preuves à nos partenaires internationaux. Et ici, le problème est le suivant: l'avion F-16 est un avion américain,  de fabrication américaine, et j'ai attiré l'attention de nos partenaires américains sur ce fait. Ont-ils créé et transféré cet avion en Turquie afin qu’elle puisse bombarder des colonies pacifiques et mener la guerre contre le peuple qui défend sa liberté.

France 24 - La Russie est une autre force souvent mentionnée dans le contexte du conflit. Je voudrais vous demander, êtes-vous déçu de ne pas avoir reçu une offre de soutien de la Russie, espérez-vous recevoir un soutien? Quel est le rôle de la Russie?

         Premier ministre Nikol Pashinyan - La Russie est coprésidente du groupe de Minsk de l'OSCE, tout comme la France et les États-Unis. Nous sommes en contact avec nos partenaires en Russie, en France et aux Etats-Unis, nous leur présentons la situation. Il est important pour eux de connaître la vérité, d'avoir des informations objectives sur ce qui se passe, ce qui se passe. Nous saluons  la déclaration des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE au niveau des présidents,  Nous sommes, en fait, satisfaits qu'ils condamnent fermement la violence et le début de la violence dans la zone de conflit, car il est clair qui a déclenché la violence.  Le président français a clairement déclaré qu'il jugeait raisonnable que la partie azerbaïdjanaise ait lancé cette attaque.

"France 24" - On dit que la Russie n'est pas aussi intéressée à soutenir l'Arménie qu'avant, car l'Arménie a emprunté la voie démocratique, avec un gouvernement plus enclin à parler de sujets tels que les droits de l'homme, dont elle n'est pas fan en Russie.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je ne pense pas que ces facteurs jouent un rôle dans l'escalade du conflit, car la Russie n'a pas déclenché la guerre. C'est l'Azerbaïdjan qui a déclenché la guerre, et pour les motifs de l'Azerbaïdjan, oui, sa nature dictatoriale peut jouer un rôle important.

"France 24"   - L'Azerbaïdjan dit que vous les avez surpris en ayant une rhétorique moins conciliante sur le Haut-Karabakh ou l'Artsakh qu'ils ne le pensaient. Ils pensaient qu'après la révolution de velours, ce serait différent, et il y aurait une opportunité pour la paix. Quelle est la différence entre la politique de votre ancien régime sur l'Artsakh?

            Premier ministre Nikol Pashinyan - En assumant le poste de Premier ministre, j'ai dit, j'ai proposé une formule pour le règlement de la question du Karabakh, cela ressemblait à ceci, j'ai dit que toute solution au conflit  du Karabakh devrait être acceptable pour le peuple arménien, pour le peuple du Karabakh, pour le peuple azerbaïdjanais : De plus, toujours en disant que la séquence de dénombrement des pays est également la même.

France 24   - Désolé, mais ce n'est pas une résolution, mais une déclaration d'intention que nous devons parvenir à une solution qui sera satisfaisante. Mais y a-t-il vraiment une solution autre qu'une déclaration d'intention?

            Premier ministre Nikol Pashinyan - Vous savez que pour résoudre un problème stratégique, nous devons d'abord clarifier le concept sur la base du concept que nous résolvons. Il est impossible de résoudre un problème sans une approche conceptuelle, car ce sera un ensemble de mouvements irréguliers. Nous devons savoir où nous devons aller. Et j'ai proposé cette résolution, j'ai suggéré que le Président de l'Azerbaïdjan adopte également cette résolution, ce qui nous permet de déclarer que nous avons une situation complètement nouvelle dans le processus de négociation. Mais le président de l'Azerbaïdjan n'a pas seulement répondu correctement à cela, mais a également déclaré, en fait, que le conflit du Karabakh devait être résolue d'une manière acceptable pour le peuple azerbaïdjanais.

"France 24 " - Oui?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Oui. Et il dit, en fait, que le règlement du conflit du Karabakh devrait avoir lieu exclusivement dans le cadre de l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan. Qu'est-ce que ça veut dire? Cela signifie revenir au statu quo de 1988, c'est-à-dire au début du conflit. Comment résoudre un problème, un conflit, en réaffirmant les paramètres des causes du conflit?

 "France 24" - Pensez-vous qu'il y a des choses que vous pouvez leur offrir, changer leur position, par exemple permettre aux Azerbaïdjanais de retourner au Haut-Karabakh, ou pensez-vous que cette idée est complètement irréaliste?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Vous savez, nous devons d'abord déclarer que le Haut-Karabakh a également perdu des territoires. Quelqu'un envisage-t-il de rendre ces territoires? L'Azerbaïdjan est-il prêt à rendre ces territoires?

Second, nous devons enregistrer la raison du développement de ces zones. Quelle était la raison de la formation de ces zones? L'Artsakh ils appellent  une zone de sécurité, c'est une zone de sécurité. Lorsqu'en 1988 le peuple du Haut-Karabakh a décidé d'exercer son droit légitime en vertu des lois de l'Union soviétique, qui prévoyait que si une république, en l'occurrence la République d'Azerbaïdjan, obtenait son indépendance de l'Union soviétique, son union autonome, en l'occurrence le Haut-Karabakh- la région autonome du Karabakh a également le droit de recevoir un statut indépendant. Et les gens du Haut-Karabakh, en utilisant cette loi, ce droit, absolument pacifiquement, c'est très possible, non pas par des moyens armés, mais pacifiques et démocratiques, ils ont essayé d'exercer leur droit. L’Azerbaïdjan a réagi par la force, d’abord en menant des attaques, des violences, des meurtres contre des Arméniens à Bakou, Sumgait, puis, en fait, en menant une attaque armée contre le Karabakh. À la suite de ces attaques armées, le Karabakh a subi des pertes territoriales, la population civile a été bombardée et la population, ne trouvant aucun autre moyen, a décidé de simplement supprimer l'agression de l'Azerbaïdjan autant que possible. Et c'est ainsi que la zone de sécurité a été formée, qui maintenant, en fait, par la logique d'avoir de nouvelles armes, s'avère peu efficace, car si, par exemple, les Azéris n'ont pas pu attaquer les villes du Karabakh en 1994, ils peuvent maintenant attaquer à nouveau.

"France 24"  - Ce conflit est gelé depuis 1994, mais il semble maintenant qu'il ait éclaté à une telle échelle qu'il ne s'est pas produit depuis. Combien de temps pensez-vous que cela va durer, êtes-vous satisfait de la mobilisation des Arméniens, êtes-vous satisfait de la façon dont elle se déroule ou attendez-vous une guerre à long terme?

Premier ministre Nikol Pashinyan - J'ai également dit qu'il s'agissait en fait d'une continuation de la politique turque de génocide arménien. La Turquie est retournée dans la région du Caucase du Sud 100 ans plus tard pour poursuivre le génocide arménien. Et, dans le même temps, je tiens à souligner que ce n'est pas seulement une façon de se venger des Arméniens ou de dissiper la haine des Arméniens, mais simplement les Arméniens du Caucase du Sud sont le dernier obstacle sur la façon dont la Turquie étend son expansion au nord, à l'est et au sud-est.

"France 24 "  - Pensez-vous vraiment qu'ils veulent se débarrasser de l'Arménie?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Bien sûr. Je n'ai aucun doute là-dessus. C'est l'objectif historique de la Turquie.

"France 24"   - Vous parlez d'un membre de l'OTAN.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Désolé, ce membre de l'OTAN il y a à peine deux mois, il y a un mois, a attaqué un autre membre de l'OTAN, la Grèce. Voyons ce que fait la Turquie en Méditerranée, ce qu'elle fait en Syrie, ce qu'elle fait en Irak. Aujourd'hui, la Turquie a une tâche claire: restaurer l'empire turc, ne soyez pas surpris si, si la même politique réussit ici, on tente d'inclure non seulement les îles grecques dans cet empire, mais aussi d'étendre ses territoires en Europe continentale. Si la Turquie y parvient, attendez-la à Vienne.

"France 24" - Ne voyez-vous pas d'autre solution pour cela que de mobiliser le plus de monde possible et de continuer la lutte?

Premier ministre Nikol Pashinyan - Que doit faire la nation menacée de génocide? Elle  doit se défendre. Et un règlement pacifique de la question peut être sérieusement discuté lorsque les terroristes - la Turquie - quittent la région à leurs propres fins. Et je veux dire que personne ne devrait soudainement penser que c'est trop loin de l'Europe. Ce n'est pas très loin de l'Europe, c'est pourquoi je dis que l'Arménie et le Karabakh sont devenus des fronts civilisationnels. Et si la Turquie réussit ici avec sa politique impérialiste, attendez-la à Vienne. Mais ne finissons pas avec cette note, car je suis sûr que la civilisation gagnera. La civilisation ne peut manquer de vaincre  les gens qui ont la volonté de vivre ne peuvent manquer de gagner. Il ne fait aucun doute que le peuple arménien, qui vit sur la planète Terre depuis plusieurs milliers d'années, a la volonté de vivre.

"France 24"  - Vous aimeriez peut-être dire quelque chose au peuple azerbaïdjanais, qui a aussi la volonté de vivre.

Premier ministre Nikol Pashinyan - Je ne peux dire qu'une chose au peuple azerbaïdjanais: demandez-vous, dans quelle mesure connaissez-vous la vérité sur votre propre peuple, vos propres autorités, leur richesse, leurs accords, leurs objectifs? Une famille a régné en Azerbaïdjan depuis 1994, une famille. Je veux dire cela quand je dis civilisation. Par exemple, dans le même Haut-Karabakh, 4 présidents ont été changés au cours de la même période, 4 présidents, en République d'Arménie 4 présidents ont été changés, en Azerbaïdjan, la même famille est au pouvoir depuis 1993, pas 1994. Dans cette arithmétique, un an plus ou moins n'est pas significatif.

 








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