L'heure à Erevan: 11:07,   3 Mai 2024

L’Europe doit, à un moment donné, assurer la protection de l’Arménie։ Interview du député belge

L’Europe doit, à un moment donné, assurer la protection de l’Arménie։ Interview du 
député belge

BRUXELLES, 4 DECEMBRE, ARMENPRESS. Grâce à l'initiative et à la cohérence de Michel de Maegd, député fédéral belge, membre de la Commission des Relations extérieures, la Chambre des Représentants célèbre, chaque 12 décembre, la journée de commémoration de la mémoire des victimes des génocides reconnus par l’État Belge. Dans un entretien avec la correspondante bruxelloise d'"Armenpress", le parlementaire belge a expliqué pourquoi il lui tenait à cœur d'instaurer cette commémoration nationale. De Maegd a également évoqué les relations bilatérales entre la Belgique et l'Arménie, les perspectives de coopération et la résolution condamnant l'Azerbaïdjan, adoptée à l'unanimité par le Parlement fédéral belge.

Monsieur De Maegd, vous axez votre travail politique sur les situations peu médiatisées. Première chose que l’on voit sur votre profil, ce n’est pas uniquement l'Arménie, mais  d’autres pays aussi qui sont un peu oubliés.  En tant qu’ancien journaliste, comment expliquez-vous cette indifférence générale ?

Oui, c'est vrai. Je l'ai d'ailleurs souvent dénoncé à la tribune, même en séance plénière, on détourne le regard, on est indifférent par rapport à la situation parce que je pense que le monde est complexe. Les grandes puissances font des accords, les relations internationales sont à prendre avec beaucoup de cynisme en réalité, et on le dit souvent dans les relations internationales, il n'y a pas d'amis, il y a des alliés. Et ces alliés, malheureusement ou heureusement, changent en fonction des situations. Ici très clairement, c'est un choix de conviction que j'ai fait pour soutenir l'Arménie et je l'ai fait avant même d'être élu puisque je l'avais dit lors de la cérémonie d'avril au Khachkar, que je m'engageais à soutenir notamment la reconnaissance du génocide arménien. Cela date de mon travail en tant que journaliste. Il se fait qu'en tant que journaliste à l'époque j'ai été pendant un mois au Rwanda pour couvrir le génocide. Donc, c'était des événements extrêmement compliqués. A Srebrenica, en Bosnie également et donc je j'ai toujours ressenti ce que pouvaient ressentir les gens qui avaient été victimes à un moment donné de leur histoire d'un génocide. Et je ressens cela très fort au sein de la communauté arménienne. C'est quelque chose qui est encore très présent aujourd'hui, alors que c'était en 1915 et je me suis dit, il faut les aider, surtout quand je vois dans nos sociétés, quand même souvent intolérantes, la façon dont certains nient les faits, les faits avérés. Je suis allé au mémorial du Génocide à Erevan. Il faut visiter le musée du génocide pour comprendre que tout est documenté en réalité et que c'était déjà documenté à la base par la presse de l'époque. On savait et on a détourné le regard et donc je suppose qu'on a une vraie responsabilité là-dedans. C'est pour ça que je me suis battu pour et j'ai créé à la Chambre une cérémonie officielle d'hommage au génocide reconnu par l'État belge, y compris du génocide arménien. C'était fondamental pour moi parce que c'était une promesse que j'avais faite au Khatchkar quand j'étais en campagne électorale, je n'étais pas encore élu. Et j'estime qu'en politique, il faut bien sûr des paroles, mais surtout des actes, et il faut que les paroles concordent avec les actes. Et donc j'ai voulu vraiment faire cela. On y est arrivé, j'en suis très heureux et je pense que perpétuer le souvenir des victimes du génocide de 1915, c'est fondamental, c'est tout simplement pour les générations futures. Ça c'est pour l'aspect, je dirais symbolique. Maintenant, pour l'aspect plus pragmatique et plus concret, j'ai toujours eu la conviction que l'Arménie était malheureusement un pays un peu oublié. Des chrétiens d'Orient qui sont entourés de pays forts, et musulmans. Y a bien sûr Erdoğan qui a un grand différend et la Turquie en général avec les Arméniens. Il y a Aliyev, dont le père avait déjà un énorme différend, et donc la situation géopolitique et géographique de l'Arménie plaide en sa défaveur parce que l'Arménie n'a pas de grande matière première comme les ont les Azéris par exemple avec le gaz. Vous savez que l'Europe a un peu vendu son âme à un moment donné pour acheter du gaz suite au blocus de la Russie, alors qu'on sait tous, que le gaz qu'on achète à l'Azerbaïdjan vient en grande partie de Russie aussi. Donc tout ça c’est extrêmement hypocrite et je reviens à ce que je disais au début - dans la géopolitique, il y a beaucoup de cynisme, il y a pas d'amis, mais il n’y a que des alliances et je le déplore. Donc je l'ai dénoncé à plusieurs reprises à la Chambre des représentants auprès des ministres concernés et je continuerai parce que c'est un choix de conviction. Parce que oui, je pense qu’il faut pouvoir venir en aide aux pays qui sont peut-être les moins bien lotis, les moins bien défendus, c'est la noblesse aussi d'un métier comme celui de député, de mettre l'accent et de mettre le doigt là où on est défaillant. Et donc c'est pour ça que je le fais et je continuerai à le faire. Mais il y a pas que l'Arménie vous avez raison. Je m'occupe d'autres pays, mais l'Arménie pour être tout à fait honnête, ça doit être 60% de mon activité parlementaire. Je me suis engagé vraiment corps et âme. De nouveau par conviction et puis, à force de développer des relations tant à Erevan qu'à Bruxelles, dans la communauté arménienne. J'ai découvert un peuple qui est juste très inspirant. Ce sont des gens qui travaillent, qui sont des entrepreneurs, qui sont pour moi des libéraux dans l'âme, qui sont empreints de désir de liberté comme je le suis en tant que libéral. Et donc je reconnais qu’il y a un attachement de plus en plus fort qui se fait avec. 

Souvent, nous avons tendance à dire que si un député ou sénateur est engagé pour une cause, c'est pour les votes électoraux ou parce qu’il y a quand même une relation familiale avec le pays. Ce n’est pas votre cas. Pourquoi la cause arménienne est-elle importante pour vous et est-ce que les Azéris ont essayé de vous convaincre du contraire de votre position actuelle ?

En fait mon premier texte que j'ai introduit, c'est un texte visant à pénaliser la négation du génocide. Je l'ai fait directement en arrivant, malheureusement je voulais avancer vite parce que je viens du secteur privé et j'aime bien les résultats concrets. J'ai directement déposé le texte au Conseil d'État pour être sûr et savoir ce qu'il allait en dire. Mais le texte a été bloqué au niveau du Conseil d'État pour des questions de juridique international, à savoir le génocide des Arméniens n'a jamais été condamné par un tribunal pénal International. Le Conseil d'État bloque le texte à ce moment-là et j’ai directement avec mon collaborateur une autre idée, c'est de dire mais alors on va le reconnaître différemment. Et on a fait cette fameuse cérémonie dont je vous ai parlé, qui a été adoptée à l'unanimité. Je suis quelqu'un de parole et je n'ai pas d'intérêt particulier, je ne suis pas un lobbyiste de l'Arménie, je n'ai pas de famille en Arménie, j'ai de plus en plus d'amis Arméniens, mais ça c'est différent. Pour moi, c'était très important de pouvoir soutenir cette cause, je l'ai fait de manière désintéressée, mais résolue et fondamentale.

Vous avez parlé de négationnisme, qui était votre premier projet en tant qu'élu.  Malheureusement ça n’a pas eu de succès.  Il y a d’autres pays qui ont adopté la loi qui pénalise le négationnisme, comme par exemple la Grèce et la France. Beaucoup d’experts, comme par exemple Luis Moreno Ocampo, pensent que ce qui est arrivé en Artsakh, est la conséquence du fait que le Génocide Arménien n’a pas été reconnu et condamné comme il faut. N’est-ce pas l’impunité qui donne le courage à l’agresseur ? Sachant que même une résolution dont vous êtes l’auteur et qui condamne fortement l’Azerbaïdjan, n’a pas fonctionné pour empêcher l’agression. À quel moment les États Européens et l'État belge ont finalement réalisé que c’est leur silence qui donne le courage à l’agresseur ?

Il y a 2 éléments. D'abord, Luis Ocampo est quelqu'un de remarquable, ancien procureur de la Cour pénale international. J'ai relayé ses propos à la tribune de la Chambre des représentants en séance plénière, en disant, attention, nous sommes dans la perpétration à nouveau d'un risque de génocide, comme ça l'a été en 1915. C'est quelqu'un qui connaît son métier et donc je partage bien entendu son point de vue et son inquiétude. Et pour être tout à fait sincère, j'étais quand même extrêmement désappointé, quand j'ai vu la tournure des événements en Artsakh. On est dans une forme d'épuration ethnique qui vise finalement à continuer l'horrible travail entrepris par l'Empire ottoman en 1915. Qu'a fait le père d'Aliyev? Il avait déjà privé les Arméniens du Nakhitchevan et il y a enlevé toutes traces de culture arménienne. Et maintenant qu'est ce qu'on va faire? Le risque c'est qu'on fasse la même chose dans dans le Haut Karabakh. Donc ça c'est évidemment insupportable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai déposé il y a quelques semaines un autre texte, une 4e résolution qui est en cours d'étude. Elle a été prise en considération en plénière et vise à protéger le patrimoine arménien au Karabakh. Patrimoine architectural, culturel, religieux du Haut Karabakh, parce que ce serait intolérable alors qu'on sait ce qui s'est passé au Nakhitchevan, de faire la même chose  X années plus tard.

Donc ça c'est la première chose. Alors pourquoi les pays Européens sont si frileux? Il y a du cynisme et il y a une forme de protection de ses intérêts. Il y a une forme de conjonction des événements qui fait que la Russie est en guerre contre l'Ukraine, que c'est à 2000 km de chez nous et que c'est en effet une guerre qui nous menace directement, c'est tout près, comme si c'était dans le sud de la France. Et donc je pense que le focus et les regards se sont avant tout tournés vers la Russie. Il y a aussi le fait que la Belgique est un petit pays comme vous le savez, un petit pays géographique, mais un pays quand même qui est écouté sur la scène internationale de par son histoire. Et je sais que la ministre Hadja Lahbib avec qui je suis en phase et qui est de mon parti politique, intervient régulièrement. J'étais allé a son cabinet pour expliquer toute la situation de la région, du haut Karbakh, de l'Arménie, pour qu'elle ait vraiment les éléments au clair et on a fait tout un brainstorming ensemble et elle m'a proposé une aide que j'ai obtenue aussi pour la Maison du Soldat à Erevan parce que je poussais pour avoir une aide concrète. La Ministre belge est vraiment très impliquée et très concernée par cette situation en Arménie. Je le vois parce qu'elle le montre maintenant à chaque étape. Je continuerai de toute façon à pousser en sous-main parce que je pense que c'est important, y compris pour les autres ministres bien entendu. Mais ce qui est sûr, c'est que la Belgique agit souvent au niveau de ce qu'on appelle multilatéral. Donc on a évidemment des relations bilatérales fortes avec l'Arménie, d'autant plus fortes que l’on y a ouvert une ambassade, ce qui est quand même suffisamment rare dans l'histoire de la diplomatie que pour le souligner. Aujourd'hui avec la géopolitique qui a change, je pense qu'on devrait aller plus loin et essayer de faire ouvrir un consulat pour le territoire belge sans devoir le faire sous-traiter par l'Allemagne. Je vais m'atteler à sensibiliser la ministre à cette cause là aussi. Mais voilà, je pense qu'on agit souvent au niveau multilatéral, on se retranche derrière le multilatéralisme européen.

Devons-nous attendre que les relations passent à un autre niveau économique, politique après l’ouverture de l’ambassade ? 

Vous savez, quand on ouvre une ambassade, évidemment, c'est parce qu'on a une bonne raison de l’ouvrir. La géopolitique de la région du Caucase est en train de changer complètement. Très clairement, j'ai eu l'occasion d'aller en mission en Géorgie, votre pays voisin, mais aussi au Kazakhstan qui est au delà de l'Azerbaïdjan et on voit qu'il y a ce qu'on appelle le middle corridor qui est en train de se construire pour éviter justement de passer par la Russie pour livrer des matières premières. Donc manifestement on se rend compte qu’aujourd'hui, cette région du monde devient une région stratégique importante. Parce qu’on sent d'ailleurs qu’en Arménie il y a des velléités pour dire, écoutez, on n'a pas été protégé par les Russes. On l'a vu lors des guerres du Karabakh, on n'a pas été protégé malgré un accord de protection qui n’a pas fonctionné. Les Russes ont détourné le regard et moi j'en ai la conviction depuis longtemps déjà, à force d'étudier ce dossier que les Russes sont en harmonie davantage pour protéger leurs intérêts qui sont bien sûr des intérêts très anciens. Le maillage économique, politique, social est très très lié avec la Russie, mais ils ne font rien, ils sont observateurs, ils n'ont pas de mandat d'intervenir. Et quand on demande qu'ils interviennent au travers d'un accord comme l'OTSC, personne n'intervient. Donc, c'est la preuve pour moi que, à un moment donné, vous êtes un peu les victimes, un peu comme ce qui s'est passé en 1915. J'espère qu'à un moment donné, l'Arménie va devenir beaucoup plus forte en terme symbolique parce que c'est important pour moi. On sait que la volonté du président Erdoğan, du président Aliyev, c'est de faire une grande zone de pays de langue turque pour aller jusqu'en Chine et au peuple des Ouïghours qui sont aussi de langue turque en passant par le Tadjikistan et toute cette région. Et donc, je conçois bien que ces dictateurs, parce qu'il faut appeler un chat un chat, n'ont qu'une velléité en tête. En réalité, c'est de faire ce grand projet et je pense que l'Europe qui est garant des droits, garant des libertés, garant de l'émancipation des peuples, devra veiller à un moment donné à protéger l'Arménie. Je pense qu'au niveau multilatéral on devra peut-être faire plus pour davantage protéger le peuple arménien et l'intégrité territoriale de l'Arménie. Mais évidemment il faudrait aussi que les Arméniens puissent s'entendre entre eux parce que je sais qu'au Parlement arménien il y a 2 grandes tendances.

Tout à l'heure, vous me demandiez quelle est la position de l'Europe par rapport à l'Arménie ? Finalement, est-ce qu’elle est là juste pour protéger ses intérêts ? Est-ce que l'Europe est prête à se bouger un petit peu ? L'Europe veut absolument rapprocher ses relations avec l'Arménie. Il y a un accord très clair qui a été signé en novembre 2021 et ratifié ici au Parlement belge en septembre 2023 sur la création d'un espace aérien commun entre l'ensemble des pays de l'Union européenne et l’Arménie et donc ça c'est évidemment très symbolique, mais c'est aussi très concret puisque cela va encourager la libération progressive des relations aériennes entre l'Union et l'Arménie. Cela va encourager le libre échange entre ces pays et c'est fondamental à mon sens. On sait que le fait de pouvoir se déplacer dans une zone de libre échange, c'est très important et donc ça permettrait aussi d'adopter des normes plus élevées en matière de sûreté et sécurité aérienne et de gestion du trafic aérien. Cette harmonisation va pouvoir promouvoir une concurrence loyale dans le secteur de l'aérien entre l'Arménie et l'Europe et c'est un exemple parmi d'autres qui montre que l'Europe est en train de s'ouvrir à l'Arménie. L'Arménie doit aussi s'ouvrir à l'Europe. On a des conjonctions d'intérêt et on a des conjonctions ancrées dans notre culture. La logique même de l'histoire serait qu'on se rapproche de plus en plus. Et donc on a tout intérêt à encourager les relations entre l'Arménie et l'Europe et spécifiquement la Belgique au niveau bilatéral. Mais il y a des choses qui se font bilatérales et puis il y a des choses qui se font au niveau multilatéral et donc j'essaie vraiment à mon niveau. De nouveau je reste modeste, je ne suis que député en charge des relations extérieures. 

Aujourd’hui en Arménie, beaucoup de gens posent la question ‘pouvons-nous vraiment faire confiance à l’Europe pour nous protéger si nécessaire ?’ Nous avons vu que même la présence physique d’une armée n’a pas empêché l’Azerbaïdjan. L’inquiétude d’être encore utilisés et cette fois-ci par l’Occident pour leur propre intérêt, est-il justifié selon vous ? Comment pouvons-nous confiance, si par exemple la Présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Leyen se rend à Baku et déclare l’Azerbaïdjan comme un partenaire fiable ?

Je pense que la géopolitique, elle est multiple. Il y a l'Europe et en effet vous avez raison, elle n'a pas de défense et c'est le grand talon d'Achille de l'Europe. Il y a un noyau de défense commune mais il n’y a pas encore d’armée européenne. On ne laissera pas toucher les frontières et l'intégrité de l'Arménie. Sincèrement, d'abord parce que vous avez derrière vous une armée forte, qui est l'armée de France, avec un président qui a été très clair sur cette question. Je pense que le noyau de défense européenne pourra intervenir à ce moment-là. Il faut envoyer ce message aux Azéris.

Revenant à votre question concernant les pressions des Turcs ou Azeris. Quand j'ai créé le texte sur la reconnaissance de la commémoration des génocides reconnus par l'État belge, j'ai été convoqué 3 fois par l'ambassadeur turc qui a voulu me faire sa lecture des événements qui n'est évidemment pas du tout la mienne et pas celle des Arméniens.  Mais il a très vite compris que malheureusement je me basais sur mes convictions propres et sur le travail fourni. Et pour moi, c'était évident que c'était une forme de révisionnisme. Et donc, ça n'a servi à rien. On a discuté, on reste courtois et polis. J'ai remarqué qu’avec les Azéris c'est différent, les Azéris c'est plutôt une forme de boycott je dirais. Ils sont très prompts à essayer de contourner la Commission des relations extérieures et ils essaient régulièrement d'inviter des députés qui ne sont pas dans cette Commission pour essayer quand même d'avoir des députés belges de leur côté, et à ce moment-là, j'essaie d'être vigilant et d'alerter mes collègues députés. Par exemple, ils ont invité Els Van Hoof, la présidente de la Commission des relations extérieures, mais elle m'a dit, moi, j'irai si tu viens aussi. Et j'ai toujours dit, je ne refuserai jamais d'aller en mission en Azerbaïdjan. Parce que je pense que, plutôt que de faire la politique de la chaise vide, il vaut mieux y aller et dire exactement en connaissance de cause ce qu'on à dire par rapport au dossier des Arméniens. Donc j'irai si on m’invite, mais du fait qu'on ne m’a pas invité, la présidente n'y est pas allée non plus. Mais pour le reste, après les derniers événements qui ont abouti à la reddition du Haut-Karabakh, je peux vous dire que l'Union interparlementaire Belgo Azérie a décidé de facto de rompre ses relations. Donc entre parlementaires azéris et belges, il n’y a plus aucune mission possible entre nos 2 pays. Voilà donc, il y a des gestes forts qui sont poses lorsque notre ligne rouge est franchie. 

En Belgique la communauté turque est assez nombreuse et le parti politique Socialiste a beaucoup des membres d’origine turque. Est-ce que la communauté turque a un impact visible et important sur les décisions du gouvernement belge ?

Mais vous imaginez bien que les liens entre la diaspora turque et le régime l'Erdogan sont établis. Vous vous souvenez très bien comme moi, de cette manifestation en pleine campagne électorale où Erdoğan est venu sur un bus à 2 étages à la Place de Brouckère et a fait un meeting électoral où il y avait les Turcs qui venaient de tous les pays voisins, essentiellement d'Allemagne où il y a une très grande communauté, mais aussi des Pays-Bas, Luxembourg, France, Belgique. Ça m'a toujours sidéré de voir à quel point on peut quitter son pays pour avoir plus de liberté mais quand même voter pour le schéma original, c'est quelque chose qu'intellectuellement j'ai du mal à comprendre.

Soyons bien clairs, je n'ai pas choisi un camp contre l'autre camp. Non, j'essaie toujours d'avoir une vision juste, rigoureuse, pragmatique sur les événements, et très clairement, il se fait que cette vision m'amène à prendre pour le moment attitude par rapport aux Arméniens. Mais ça ne veut pas dire que je suis contre la communauté turque, contre la diaspora turque. J'essaie toujours de me baser sur des faits, d'être pragmatique, d'être juste et de de ne pas tomber dans l'ad hominem ou de pas tomber dans le fait qu’il faut absolument prendre parti pour un camp ou pour un autre. Je trouve cela ridicule. 

Vous avez mentionné les lignes rouges. Beaucoup de pays européens qui disent qu’après ce qui est arrivé au Haut Karabakh, l’intégrité territoriale arménienne est leur ligne rouge. Si l'Azerbaïdjan attaque, et on sait que c'est fort probable, que ferait la Belgique ? Y a-t’il possibilité de suspendre ou limiter une partie de ses relations avec l'Azerbaïdjan ?

Dans la résolution que j'avais fait adopter le 16 février 2023 qui demandait la libération du Corridor de Lachin, la Cour Internationale de Justice a condamné ce blocage. C'était vraiment clair au niveau des principes juridiques internationaux. J'avais déjà fait en sorte que dans cette résolution il y ait menace qui soit brandie. Cette résolution a été adoptée à l'unanimité. Je vois que les gouvernements n'ont pas encore pris attitude et n'ont pas encore été jusqu'à effectuer des sanctions. Et sincèrement, je le déplore parce que on a manqué une étape, il fallait le faire. Il fallait envoyer un message mais on sait pourquoi ils ne l'ont pas fait. Ursula von der Leyen a un peu vendu son âme en allant au profit de l'Europe, du gaz et je le comprends. Il y a la guerre en Ukraine, il y a une vraie crise énergétique en Europe et il faut qu'on se protège. Le niveau de vie de nos concitoyens et l'approvisionnement en ressources, c'est important. Mais c'est toujours la balance entre ce qu’il faut faire pour préserver le bien être d'une population et jusqu'à quel point on peut être en compromission par rapport à ses valeurs fondamentales. C'est compliqué parce que ça induit que l'Europe a parfois deux discours. Elle a un discours très valuable, à mettre en avant les valeurs fondamentales quand ça l'arrange, puis quand ça l'arrange moins, on a tendance à détourner le regard et c'est vrai. C'est une autocritique qu'on peut se faire. Si l'Arménie devait être agressée dans sa souveraineté, dans ses frontières, là il faudrait un tsunami politique. Et croyez-moi alors, je monterai sur les barricades pour que la Belgique se mobilise. On a des ressources en Belgique, on est capable, on l'a montré, de donner des armes à l'Ukraine, et il faudra qu'on défende les Arméniens à ce moment-là, bien sûr. Mais j'insiste, il y a l'Europe d'un côté, et puis il y a le bloc d'influence que représente les États-Unis. Je pense que c'est aux Arméniens de jouer sur plusieurs tableaux. On devrait rester vraiment très ferme sur nos valeurs et ne pas laisser le territoire arménien etre violé comme il a d'ailleurs été à plusieurs reprises ces derniers mois et ces dernières années. Lorsque j'étais en visite à Goris j'étais allé visiter un village qui avait été bombardé qui est en territoire arménien, et j'ai harcelé Alexander de Croo, le Premier ministre des affaires européennes. Vous devez savoir que à chaque Commission des affaires européennes, je pose une question à Alexandre De Croo, sur la réalité du Karabakh et de l'Arménie. J'ai même dû lui expliquer un jour la différence entre l’Arménie et le Karabakh parce que manifestement, c'était pas tout à fait clair dans son esprit.

Vous êtes très impliqué dans l’obtention de fonds pour la Maison du Soldat à Erevan. Pour quoi est-ce important pour vous et devons-nous attendre la suite ?

Quand j'étais à Erevan, j'ai eu l'occasion de visiter le centre et j'ai vu à quel point le projet était absolument remarquable. D'abord, je dois vous dire que j'ai assisté à des funérailles de soldats, de très jeunes soldats décédés au combat au Karabakh. J'ai vu des familles qui étaient complètement dévastées de perdre un jeune de 18 ans. Si vous allez voir ces tombes, c'est terriblement impressionnant parce qu'à peu près tous les défunts, tous les jeunes soldats, ont 18 entre 20 ans. Quelle injustice de la vie que de perdre la vie à l'âge de 18 ou 20 ans. C'est normalement l'âge où vous devez avoir tous les projets possibles en tête et tous les horizons ouverts, pour se dire ’The world is mine’. Et ces gens meurent au combat pour la liberté, pour défendre leur patrie. Et j'en ai été vraiment extrêmement touché. Et à la Maison du Soldat, on soigne et on redonne vie à des militaires qui ont été vraiment abîmés, qui ont réchappé, qui ont survécu, c'est l'essentiel, mais qui ont été fortement abîmés. Il y a la dimension médicale dans ce projet. La Belgique avait financé 2 salles d'opération complètes, très modernes. Mais il y a aussi la dimension de réinsertion psychosociale et de redonner une seconde vie. Je prends un exemple qui m'a très fortement marqué ; Il y a un danseur de l'opéra d'Arménie qui est aller au combat. Et ce Monsieur danseur à l'opéra perd ses 2 jambes en allant combattre pour sa patrie. Et bien la Maison du Soldat lui a rendu des jambes, bien sûr des jambes artificielles, et il a pu à nouveau danser à l'opéra d’Erevan. Je trouve ça juste merveilleux. Au niveau physique, mais aussi au niveau psychologique, ce sont des gens qui sont parfois détruits. Parce que la guerre, pour l'avoir vécue en tant que journaliste, au Kosovo, au Rwanda, en Bosnie, je sais qu’elle est violente, très violente. Elle peut laisser des traces profondément ancrées chez chaque individu, a fortiori si on a été blessé dans sa chair ou a fortiori si on a perdu un fils ou a fortiori si on a perdu une mère, un père. Et donc je pense que c'est un projet magnifique et c'est pour ça que j'ai voulu me battre.

J'ai bon espoir qu'il y d’autres aides qui devraient être annoncés sous peu. Le dossier est sur la table de la Ministre des Affaires étrangères et il devrait y avoir une autre tranche d'aide en plus dans la vanne de l'aide psychosociale, qui est importante aussi.

LILIT GASPARYAN








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