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Luis Moreno Ocampo: l'exode du Haut-Karabakh est une sorte de genocide

Luis Moreno Ocampo: l'exode du Haut-Karabakh est une sorte de genocide

BRUXELLES, 9 NOVEMBRE, ARMENPRESS: L'ancien procureur général de la Cour Pénale Internationale (CPI) Luis Moreno Ocampo estime que les pays ignorent délibérément le risque de génocide pour se soustraire à l'obligation de le prévenir.

Dans un entretien avec la correspondante d'Armenpress à Bruxelles, M. Ocampo a déclaré que le déplacement forcé des Arméniens du Haut-Karabakh après l'attaque de l'Azerbaïdjan constitute un génocide.

M. Ocampo, le 7 août, vous avez fourni puis publié votre avis professionnel au président de la République d'Artsakh, considérant le blocus et le siège complet de l'Artsakh comme un génocide. Quel processus aurait pu être engagé à ce moment-là pour prévenir la catastrophe à venir ?

Le rapport était important parce que nous avons marqué l'opinion publique. Cependant, les Etats font quelque chose de fascinant, ils ignorent délibérément le risque de génocide pour éviter l'obligation de prévenir le génocide, c'est ce que nous avons découvert. Nous avons constaté que les États tentent d'éviter le mot "génocide". En effet, lorsque le Congrès américain a pris connaissance du rapport et a commencé à agir, le département d'État américain, sans mentionner le génocide, a déclaré qu'il protégerait le Haut-Karabakh au niveau international. Mais il était trop tard. Ils ont dit cela et trois jours plus tard, Aliyev a attaqué.

Comment interprétez-vous ce qui s'est passé après le 19 septembre dans le Haut-Karabakh ? Il semble que lorsque beaucoup parlent de génocide, ils n'imaginent qu'un massacre. Mais en quelques jours, plus de cent mille personnes ont quitté de force leur patrie, laissant tout derrière elles.

Il s'agit là aussi d'un génocide, conformément à l'article 2B de la Convention sur le génocide. Selon un nouveau rapport de Juan Mendes, le fait que 100 000 personnes aient quitté leur pays montre les dommages psychologiques. Le fait qu'ils aient tout quitté. Il s'agit donc d'une autre forme de génocide, qui ne se limite pas à la tuerie. Les massacres n'ont pas été massifs, mais le fait que toute la communauté ait quitté sa terre constitue un préjudice moral.

Quels sont les mécanismes juridiques qui peuvent fonctionner pour les droits du peuple d'Artsakh et dans quelle mesure considérez-vous comme réaliste le rétablissement des droits de ce peuple selon les normes internationales ?

Je pense qu'il est important que la France fasse pression en ce sens. C'est un Etat important qui fait avancer les choses et c'est quelque chose pour lequel nous devrions nous battre. Nous devrions nous battre pour obtenir le respect du droit des personnes, parce que les personnes, même si elles ne sont pas là, sont toujours les propriétaires de la terre et de l'endroit, et leurs droits doivent donc être respectés. Et je pense qu'une autre priorité est de récupérer, de libérer les otages. Il y a 53 personnes en prison en Azerbaïdjan. Le problème est que le droit international n'est pas quelque chose comme si quelqu'un vole votre vélo, vous pouvez aller voir la police et les tribunaux. Non, il n'y a rien de tel. Il y a la Cour internationale de justice, vraisemblablement pour les États, et la Cour pénale internationale pour les individus. Le processus juridique de libération de ces personnes n'est pas clair, mais nous devrions le développer politiquement. C'est pourquoi cette réunion est importante.

Comment évaluez-vous le comportement de la communauté internationale, ce qu'elle aurait pu faire et qu'elle n'a pas fait, et cette inaction a conduit à ce résultat ?

Il s'agit là d'un problème, d'un échec par conception. En effet, le monde n'a pas d'institutions mondiales. La seule institution mondiale indépendante est la Cour pénale internationale, et c'est tout. Ce n'est pas suffisant. Imaginez un pays avec un seul tribunal, sans gouvernement, sans système politique. L'Arménie doit donc participer à la résolution du problème. C'est pourquoi des réunions comme celle-ci, des discussions avec les dirigeants politiques sur ce qu'ils peuvent faire et l'articulation avec l'Union européenne, avec la CPI, c'est ce que nous devons faire. L'Arménie montre que ce n'est pas seulement elle qui est en danger, mais aussi la civilisation, et c'est pourquoi les Arméniens ne sont pas seuls. Mais l'Arménie est cruciale. L'Arménie a une communauté très importante dans le monde entier, c'est donc une force incroyable que vous avez là, et nous pouvons l'utiliser.

Certains conflits retiennent davantage l'attention que d'autres, comme si tous les enfants n'étaient pas des enfants, toutes les femmes n'étant pas des femmes. Comment expliquez-vous cette dualité ?

La durée d'attention des médias n'est que de 6 secondes. C'est normal. Le génocide du Darfour a été le plus médiatisé, puis est arrivé le Printemps arabe, puis la Libye, puis la Syrie, puis la Russie, les Yézidis, puis les Rohingyas. Il y a toujours un nouveau conflit qui couvre l'échec du précédent. C'est pourquoi nous parlons cette année de cinq génocides en seulement 2023. Il est temps d'y remédier. Le fait que la communauté arménienne et la communauté juive soient si répandues pourrait vraiment aider à changer la situation. Je comprends que c'est un moment très difficile pour la communauté arménienne, que même des attaques contre l'Arménie sont possibles, mais vous devez comprendre que vous ne gagnerez jamais si vous arrêtez de vous battre. Vous devez donc continuer à vous battre, et vous n'êtes pas seuls.

Lilit Gasparyan








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